Introduction : La hernie discale lombaire est une affection courante qui provoque des lombalgies ou lombosciatalgies isolées ou paralysantes. Outre la chirurgie, la rééducation fonctionnelle est déterminante dans sa prise en charge. Objectif : Déterminer les résultats fonctionnels et le retentissement psycho-social des traitements des lombalgies par hernie discale à Cotonou. Matériel et méthodes : Nous avons réalisé une étude transversale descriptive et analytique, menée sur des patients suivis aux CNHU-HKM et HIA-CHU de Cotonou, de janvier 2005 au 31 décembre 2015 (11 ans), pour des lombalgies et lombosciatalgies par hernie discale. 150 patients ont été inclus de mars à juillet 2016. Ils ont été interrogés et évalués avec l’EIFEL et l’échelle de Dallas. 131 patients (87,33%) avaient eu un traitement rééducatif et médicamenteux et 19 patients (12,67%) la chirurgie d’emblée. Résultats : Il s’agissait de 76 hommes (50,67%), âgés de 27 à 80 ans (moyenne = 49,07±10,90). Le tiers des patients étaient obèses. 88% des patients avaient déclaré une amélioration significative de leur état clinique. Il s’agissait surtout des patients du groupe de traitement conservateur. Le retentissement fonctionnel et pyscho-socio-professionnel des lombalgies a été peu marqué sur les patients et n’a pas été significativement différent dans les deux groupes thérapeutiques. Conclusion : Le traitement conservateur, associant rééducation et médicaments avait des résultats fonctionnels satisfaisants.
Introduction: Lumbar disc herniation is a common condition that causes isolated or paralytic low back pain or lumbago. Besides surgery, functional rehabilitation is decisive in its management. Objective: To determine functional results and psycho-social impact of the disc herniated low back pain treatments in Cotonou. Material and methods: We performed a cross-sectional descriptive and analytical study including 150 patients treated at the CNHU-HKM and HIA-CHU in Cotonou from March to July 2016, for low back pain and lumbosciatalgia by herniated disc. They were interviewed and evaluated with EIFEL and the Dallas scale. 131 patients (87.33%) had had re-treatment and medication and 19 patients (12.67%) had surgery. Results: 76 men (50.67%) were aged 27 to 80 years (mean = 49.07 ± 10.90). One third of the patients were obese. 88% of patients reported a significant improvement in their clinical status. These were mostly patients in the conservative treatment group. The functional and pyscho-socio-professional repercussions of low back pain were not very marked in the patients and were not significantly different in the two therapeutic groups. Conclusion: Conservative treatment combining rehabilitation and medication had satisfactory functional results.
La lombalgie est la douleur située entre les régions dorsale basse et sacrée, avec possibilité d’irradiation en région fessière. Elle est due à diverses étiologies dont les hernies discales. Ces dernières constituent un déplacement localisé du noyau pulpeux à travers les fissurations de l’anneau fibreux [1]. Il s’agit d’une pathologie qui devient de plus en plus fréquente. Au Japon, elle représente environ 28% des cas de chirurgies rachidiennes [2]. Sa prise en charge est multidisciplinaire et prend en compte généralement les traitements médicamenteux (antalgiques, anti-inflammatoire non stéroïdiens, myorelaxants…), la rééducation et parfois la chirurgie, cette dernière n’intervenant qu’après échec du traitement conservateur [3]. Tous ces moyens thérapeutiques sont disponibles dans certains hôpitaux au Bénin, particulièrement au CNHU-HKM et à l’HIA-CHU de Cotonou. Les patients admis dans ces centres pour une lombosciatalgie par hernie discale sont donc soumis automatiquement à la rééducation, en cas d’absence de critères d’opérabilité en urgence. La présente étude a eu pour objectif de comparer les caractéristiques des lombalgiques par hernie discale pris en charge à Cotonou, l’évolution selon qu’ils aient eu un traitement conservateur ou chirurgical.
Il s’agit d’une étude transversale descriptive et analytique. Elle a été menée du 29 Mars au 27 Juillet 2016. Elle a porté sur les patients ayant consulté du 1er Janvier 2005 au 31 Décembre 2015 dans l’un ou l’autre service, cadre de l’étude, pour une lomboradiculalgies par hernie discale, qu’ils aient été opérés ou non.
Le cadre de l’étude a été les Services de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle et de Chirurgie Externe du CNHU-HKM, de même que le Service de Neurochirurgie de l’HIA-CHU, à Cotonou.
Il a été exhaustif, non probabiliste. Il a été réalisé en tenant compte des critères d’inclusion et de non-inclusion suivants :
- • Critères d’inclusion :
Ont été inclus dans l’étude, les patients ayant:
- − Un dossier médical disponible dans l’un des trois services, du cadre d’étude, et précisant une adresse téléphonique et/ou géographique valide,
- − Eu un diagnostic de lomboradiculalgies par hernie discale lombaire
- − Eu une imagerie médicale (TDM ou IRM du rachis lombaire), confirmant le diagnostic de hernie lombaire
- − Eté retrouvés pendant la période de collecte des données,
- − Bénéficié des soins médicaux et/ou kinésithérapiques prescrits,
- − Donné leur consentement libre et éclairé pour participer à l’étude.
- • Critères d’exclusion :
Il s’agit des patients ayant eu, pendant la période de collecte des données :
- − des troubles de compréhension,
- − une pathologie dégénérative et/ou traumatique concomitante pouvant influencer son résultat fonctionnel.
A partir d’un dépouillement des dossiers disponibles dans les services de l’étude, pour la période d’étude, les adresses téléphoniques et/ou géographiques des patients remplissant les critères d’échantillonnage ont été recensés. Ces patients retrouvés, l’évaluation du retentissement fonctionnel et psycho-social de leur lombalgie a été faite à l’aide de l’échelle d’incapacité fonctionnelle pour l’évaluation des lombalgiques (EIFEL) et les paramètres de l’échelle de Dallas. L’interprétation de ces échelles a été faite, comme présenté dans le tableau I. En ce qui concerne la corpulence des sujets de l’étude, elle a été appréciée grâce à l’indice de masse corporelle, selon la classification de l’OMS. L’évolution clinique des lombalgies et les autres paramètres de l’étude ont été recueillis par interrogatoire.
Niveau du retentissement | ||||
---|---|---|---|---|
Important | Moyen | Négligeable | ||
Retentissement | Fonctionnel (selon l’EIFEL) | 17-24 | 12-16 | 0-11 |
Echelle de Dallas | ||||
Fonctionnel (Activités vie quotidienne) | 60-100 | 40-60 | 0-40 | |
Fonctionnel (Activités professionnelles) | 60-100 | 40-60 | 0-40 | |
Psychologique | 60-100 | 40-60 | 0-40 | |
Social (Activités sociales) | 60-100 | 40-60 | 0-40 |
Les données ont été saisies à l’aide du logiciel EPI-DATA version 3.1. Elles ont été traitées et analysées à l’aide du logiciel STATA version 11.0. Les proportions des variables qualitatives, moyennes et écart-types des variables quantitatives ont été déterminés. La comparaison des paramètres dans les deux groupes thérapeutiques a été faite avec le test de chi carré pour les variables qualitatives et le test d’écart réduit en ce qui concerne les moyennes des variables quantitatives. Le seuil de significativité choisi a été de 5%.
Les sujets de l’étude ont eu un âge moyen de 49,07±10,90 ans, avec des extrêmes de 27 à 80 ans. La sex-ratio a été de 1,02. Le tableau 2 présente les autres caractéristiques des sujets de l’étude.
Effectifs | Pourcentages | |
---|---|---|
Sexe | ||
Masculin | 76 | 50,67 |
Féminin | 74 | 49,33 |
Profession | ||
Sédentaire | 106 | 70,67 |
Militaire | 23 | 15,33 |
Travailleur de force | 14 | 9,34 |
Ménagère | 7 | 4,66 |
Corpulence | ||
Normale | 44 | 29,33 |
Surpoids | 56 | 37,34 |
Obésité | 50 | 33,33 |
Niveau d’instruction | ||
Non scolarisé | 9 | 6,00 |
Primaire | 15 | 10,00 |
Secondaire | 49 | 32,67 |
Universitaire | 77 | 51,33 |
Effectifs | Pourcentages | |
---|---|---|
Délai d’évolution | ||
Inférieur à 1 mois | 43 | 28,67 |
1 - 3 mois | 27 | 18,00 |
3 - 6 mois | 19 | 12,66 |
6 - 24 mois | 25 | 16,67 |
Supérieur à 24 mois | 36 | 24,00 |
Traitement avant le diagnostic de hernie discale | ||
Médicamenteux | 130 | 86,67 |
Kinésithérapie | 22 | 14,67 |
Massage | 10 | 6,67 |
Autres | 14 | 9,00 |
Aucun | 9 | 6,00 |
Traitement après le diagnostic de hernie discale | ||
Médicaments + rééducation | 108 | 72,00 |
Chirurgie d'emblée | 19 | 12,67 |
Médicaments | 17 | 11,33 |
Rééducation seulement | 6 | 4,00 |
Evolution clinique après le traitement | ||
Amélioration | 132 | 88,00 |
Pas de changement | 18 | 12,00 |
Traitement | p-value | ||
---|---|---|---|
Conservateur | Chirurgical | ||
Age | 0,85 | ||
Moyenne ± Ecart type (années) | 48,70 ± 9,87 | 49,17 ± 10,12 | |
Sexe | 0,42 | ||
Masculin | 68 | 8 | |
Féminin | 63 | 11 | |
Corpulence | 0,89 | ||
Normale | 39 | 5 | |
Surpoids | 48 | 8 | |
Obésité | 44 | 6 | |
Délai d’évolution | 0,79 | ||
Moyenne ± Ecart type (mois) | 10,08 ± 14,22 | 10,72 ± 9,28 | |
Evolution des lombalgies | 0,00 | ||
Amélioration clinique | 119 | 13 | |
Statu quo | 12 | 6 |
Traitement reçu | ||||
---|---|---|---|---|
Conservateur | Chirurgie | p-value | ||
Retentissement fonctionnel selon l’EIFEL | 0,26 | |||
Négligeable | 101 | 14 | ||
Moyen | 20 | 5 | ||
Important | 10 | 0 | ||
Retentissement fonctionnel sur AVJ (Selon Dallas) | 0,49 | |||
Négligeable | 82 | 12 | ||
Moyen | 40 | 7 | ||
Important | 9 | 0 | ||
Retentissement sur activités sociales | 0,51 | |||
Négligeable | 110 | 16 | ||
Moyen | 14 | 3 | ||
Important | 7 | 0 | ||
Retentissement sur activités professionnelles | 0,24 | |||
Négligeable | 89 | 10 | ||
Moyen | 34 | 6 | ||
Important | 8 | 3 | ||
Retentissement psychologique | 0,51 | |||
Négligeable | 110 | 16 | ||
Moyen | 14 | 1 | ||
Important | 7 | 2 |
Les patients de l’étude ont eu un âge moyen de 49 ans, avec des extrêmes de 27 et 80 ans. Il s’agit donc essentiellement des adultes. Plusieurs auteurs ont rapporté des résultats similaires [4-9]. Les lombalgies par hernie discale seraient donc secondaires à diverses contraintes imposées, au fil des années à la colonne rachidienne lors des activités de la vie quotidienne.
Nous n’avons pas retrouvé une prédominance significative en faveur de l’un ou l’autre sexe : la sex-ratio a été de 0,97 avec 50,67% d’hommes. Notre population parait de ce fait homogène. De la revue de la littérature, si une prédominance féminine a été observée dans plusieurs études [6, 10], d’autres ont plutôt noté une prédominance masculine [5, 11, 12].
Le groupe des sédentaires a été majoritaire, constituant sept patients sur dix. Ce groupe socio-professionnel est constitué surtout des fonctionnaires. Cette prédominance des fonctionnaires s’expliquerait par le fait que ces études ont été réalisées dans des milieux urbains où résident les personnes de cette catégorie socio-professionnelle. Evans et al ont rapporté que ce lien de hernie discale en cas de sédentarité est surtout observé chez les femmes [13].
La quasi-totalité des sujets de l’étude ont eu un niveau d’instruction, avec au moins le niveau du secondaire pour la majorité (84%). Ces résultats ne sont pas concordants avec les réalités du niveau d’instruction de la population béninoise. En effet, selon l’organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), le taux d’alphabétisation dans ce pays n’est que de 43,1%. Cette différence pourrait être due au fait que les plus instruits ont eu un niveau socio-économique et de compréhension leur permettant de s’investir pour mieux comprendre leur problème de santé (réalisation de la tomodensitométrie du rachis lombaire).
Dans notre population d’étude, 70,67% des patients ont été en situation d’obésité. Singwe-Ngandeu et al, dans une étude portant uniquement sur les femmes avaient retrouvé des résultats semblables (83,33%) [6]. Meredith et al, en Chine n’ont pas pu démontrer le contraire [14]. L’obésité serait donc un facteur d’exposition à la hernie discale.
Le délai d’évolution des lombalgies a été variable, allant jusqu’à plus de 2 ans, retardant de ce fait le diagnostic de hernie discale. Cette situation pourrait être due aux difficultés d’accessibilité financière, géographique, socio-culturelle des patients aux soins de spécialité dans nos contextes. Cet état de chose n’a point empêché que les patients aient déjà reçu divers traitements avant le diagnostic de la hernie discale. Il s’agit essentiellement du traitement médicamenteux (87%), montrant l’ampleur de l’automédication dans nos contrées africaines.
La modalité thérapeutique la plus utilisée après le diagnostic de hernie discale a été le traitement médicamenteux associé à la rééducation. Elle a été utilisée dans 87,33% des cas. Il s’agit de la modalité thérapeutique recommandée dans la revue de la littérature [3, 6]. Compte tenu de la gravité de l’état diversement appréciée par les médecins traitants, 19 patients (12,67%) ont subi une intervention chirurgicale.
Près de neuf patients sur dix ont rapporté une nette amélioration de leur état clinique. Il est quand même à déplorer le cas de ces 12% de patients qui ont dit n’avoir aucun changement de leur état clinique.
Le tableau 4 fait noter l’absence de différence statistiquement significative en ce qui concerne les paramètres socio-démographiques et cliniques étudiés dans les deux groupes thérapeutiques. Ces résultats montrent donc que les patients n’ont pas été admis dans l’un ou l’autre groupe tenant compte de leurs caractéristiques socio-démographiques. Il n’y a donc pas de biais dans la constitution de nos groupes thérapeutiques. Les différences dans l’évolution des résultats obtenus peuvent donc être attribuées au traitement reçu par les patients de chaque groupe.
Une évolution satisfaisante a été rapportée par les patients dans les deux groupes thérapeutiques. Mais le traitement conservateur a eu un résultat plus intéressant (91%) comparé à celui de la chirurgie d’emblée (68,4%), avec une différence statistiquement significative (p = 0,00). Il ressort donc que la rééducation a une place importante dans la prise en charge des lombosciatalgies par hernie discale. Ces résultats concordent avec ceux de Legrand et al en France [3]. Ces derniersont estimé le taux de réussite du traitement conservateur à 95%. Quant à Weinstein et al, dans une étude prospective sur des patients présentant une hernie discale, ils ont rapporté des proportions moindres de succès du traitement conservateur. En effet, ils ont montré qu’au bout de deux (2) ans, 55% des patients soumis au départ au traitement conservateur ont pu échapper à la chirurgie [11].
Si environ le tiers des patients ont encore des difficultés dans les activités de la vie quotidienne et professionnelle, il ressort de la figure n°1 que les répercussions des lombalgies ont été généralement négligeables chez la grande majorité des patients de l’étude. Quelles que soient l’échelle utilisée et la modalité de répercussion, les patients des deux groupes thérapeutiques ont été comparables. D’autres auteurs ont rapporté les mêmes conclusions [4, 11]. L’appréciation faite par les patients des résultats de leur traitement, montrant un meilleur résultat du traitement conservateur dans notre série pourrait être liée au rapport coût-efficacité. Aussi, tenant compte des nombreuses complications possibles de l’acte opératoire, nous recommanderons ce traitement conservateur quand les critères d’opérabilité ne sont pas rencontrés.
Les lombosciatalgies par hernie discale sont une affection de l’adulte jeune de tout genre, corpulence et catégorie socio-professionnelle, mais avec une prédominance chez les obèses ayant une profession sédentaire. Elles ont essentiellement bénéficié d’un traitement conservateur, avec une place non négligeable pour la kinésithérapie. Cette thérapeutique a permis une évolution satisfaisante chez la majorité des patients et les retentissements fonctionnels et psycho-social rapportés par les patients a été généralement négligeable.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt pour ce travail.
- Legrand E, Hoppé E, Bouvard B, Masson C, Audran M. [Disc herniation-induced sciatica: medical or surgical treatment?]. Rev Prat. 2008;58:285-93 pubmed
- Singwe-Ngandeu M, Meli J, Ntsiba H, Nouedoui C, Yollo A, Sida M, et al. Rheumatic diseases in patients attending a clinic at a referral hospital in Yaounde, Cameroon. East Afr Med J. 2007;84:404-9 pubmed
- Chaory K, Rannou F, Fermanian J, Genty M, Rosenberg S, Billabert C, et al. [Impact of functional restoration programs on fears, avoidance and beliefs in chronic low back pain patients]. Ann Readapt Med Phys. 2004;47:93-7 pubmed
- Genet F, Lapeyre E, Schnitzler A, Hausseguy A, D'Apolito A, Lafaye de Michaux R, et al. [Psychobehavioural assessment for chronic low back pain]. Ann Readapt Med Phys. 2006;49:226-33 pubmed
- Evans W, Jobe W, Seibert C. A cross-sectional prevalence study of lumbar disc degeneration in a working population. Spine (Phila Pa 1976). 1989;14:60-4 pubmed