Introduction: Les méningiomes de la gaine du nerf optique sont rares et représentent 1 à 2 % de tous les méningiomes. La maladie de Parkinson est soupçonnée d’avoir un lien avec le développement de ces tumeurs. Observation : Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 42 ans, suivi depuis 2 ans pour maladie de Parkinson, traitée par mésylate de rasagiline. Il avait présenté une diplopie révélant un méningiome de la gaine du nerf optique. L’attitude thérapeutique a été conservatrice avec modification du traitement médical antiparkinsonien et surveillance. Après deux ans de suivi, la tumeur n’a pas augmenté de volume, et la fonction visuelle est restée stable. Conclusion : Des études plus approfondies sont nécessaires pour vérifier l’existence de lien entre la maladie de Parkinson, son traitement, et le risque de survenue de méningiomes et d’autres tumeurs cérébrales.
Introduction: Optic nerve sheath meningiomas are rare tumors and account for 1 to 2% of all meningiomas. Parkinson's disease is suspected to have a link with these tumors. Observation: We report the case of a 42-year-old male patient, followed for Parkinson's disease since 2 years and treated by rasagiline mesylate, who presented a diplopia revealing an optic nerve sheath meningioma. The treatment was conservative by modification of the antiparkinsonian drug and surveillance. After two years’ follow-up the tumor did not increase in volume and the visual function was stable. Conclusion: Further studies are needed to determine whether there is a link between Parkinson's disease, its treatment and the risk of developing meningiomas and other brain tumors.
Les méningiomes sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes chez l’adulte. Certains facteurs semblent jouer un rôle important dans leur développement. Les plus connus sont les hormones sexuelles féminines, les radiations ionisantes et la neurofibromatose de type II. Certaines études rapportent une augmentation de l’incidence des méningiomes et d’autres tumeurs du cerveau chez les patients suivis pour maladie de Parkinson [1, 2]. Nous rapportons le cas d’un méningiome de la gaine du nerf optique (MGNO) révélé chez un patient suivi pour maladie de Parkinson et discutons le lien éventuel qui pourrait exister entre la maladie de Parkinson et le risque de survenue de ces tumeurs.
Il s’agissait d’un patient âgé de 43 ans, suivi depuis deux ans pour maladie de Parkinson, traitée par mésylate de rasagiline (Azilect) à la dose de 1 mg par jour. Il avait consulté pour une diplopie binoculaire d’installation récente.
L’acuité visuelle était à 10/10 P2 aux deux yeux. L’étude de la motilité oculaire révélait un tableau de paralysie partielle de la 3ème paire crânienne droite. Le segment antérieur et le tonus oculaire étaient normaux aux 2 yeux, tandis que l’examen du fond d’œil montrait un œdème papillaire unilatéral en œil droit (Figure 1). Il n’y avait pas d’exophtalmie et l’examen neurologique retrouvait un syndrome parkinsonien.
Le test de Lancaster a ressorti un schéma de paralysie partielle récente du nerf oculomoteur commun droit (Figure 2). L’angiographie à la fluorescéine a confirmé l’existence de l’œdème papillaire en œil droit et la périmétrie de Goldmann a montré une amputation légère des isoptères dans le quadrant inféro-nasal du même œil, tandis que la vision des couleurs était normale aux 2 yeux (Figures 3-5).
Une IRM orbito-cérébrale comportant des coupes fines centrées sur le nerf optique et des clichés en séquences T2 et T1 avec injection de gadolinium et suppression du signal de la graisse, fut réalisée. Elle a mis en évidence une prise de contraste fusiforme de la portion intra-orbitaire de la gaine méningée péri-optique sans anomalie du nerf optique bien individualisé au sein de la lésion (Figure 6). L’examen ne retrouvait aucune anomalie de signal intracérébral ou du nerf optique gauche.
Le bilan neuroradiologique réalisé chez le patient aux débuts de la maladie de Parkinson ne signalait aucune anomalie au niveau des nerfs optiques. Ceci nous a amené à considérer que le MGNO est survenu postérieurement au diagnostic de la maladie de Parkinson. A partir de là, nous nous sommes interrogés sur l’existence d’un lien syndromique ou de causalité entre les deux affections. La recherche dans la littérature nous a conduit à quelques cas décrits de méningiomes associés à la maladie de Parkinson, et à des études de cohorte et de méta-analyse qui soutiennent l’existence d’une corrélation positive entre la maladie de Parkinson et l’incidence des tumeurs cérébrales, sans que l’influence des traitements antiparkinsoniens ne soit écartée. De plus, la rasagiline, antiparkinsonien prescrit au patient durant plus de deux ans, est signalée dans divers rapports d’organismes pharmaceutiques comme susceptible d’induire des tumeurs. Ce traitement fut alors suspendu et remplacé par la L-dopa. Du fait de la conservation relative de la fonction visuelle chez le patient, l’abstention thérapeutique avec surveillance fut la conduite à tenir unanimement soutenue par le staff médical. Parallèlement, le patient a bénéficié d’une occlusion, d’une prismation et d’une rééducation orthoptique de l’œil paralysé.
Après deux ans d’évolution avec contrôles réguliers cliniques, campimétriques, coordimétriques et neuroradiologiques par IRM (Figures 7-11), nous avons constaté la stabilisation de la fonction visuelle, la stagnation de la masse tumorale et la suppression de la diplopie sans récupération complète de la parésie du III.
Les méningiomes sont des tumeurs généralement bénignes développées à partir des cellules méningothéliales de l’arachnoïde. Ce sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes chez l’adulte [3]. Ceux de la gaine du nerf optique (MGNO) sont rares et représentent 1 à 2 % de tous les méningiomes [4].
L’étiopathogénie des méningiomes est mal connue, mais plusieurs facteurs ont été identifiés comme prédisposant à leur développement [3-5]. Les plus connus des facteurs de risque sont le sexe féminin, la neurofibromatose de type 2, l’exposition aux rayonnements ionisants et l’imprégnation endogène ou exogène par les hormones sexuelles féminines, notamment la progestérone [3-5].
Des cas de méningiomes ont été rapportés associés à la maladie de Parkinson [6]. Ces cas excluent les scénarios où la pathogénie du syndrome parkinsonien pourrait être expliquée par l’effet compressif de la masse tumorale perturbant les circuits fonctionnels des ganglions de la base, les manifestations cliniques étant généralement améliorées après suppression de la tumeur [2]. A l’image des ces observations, des études épidémiologiques de cohortes ont été menées pour évaluer l’association entre la maladie de Parkinson et le risque de survenue de tumeurs cérébrales [1]. Plusieurs de ces études concluent que les patients atteints de la maladie de Parkinson présentent un risque plus élevé, par rapport à la population générale, de développer des tumeurs cérébrales, notamment bénignes [2]. Cette association positive entre la maladie de Parkinson et le risque de survenue de tumeurs cérébrales vient d’être soutenue par une méta-analyse de plusieurs études épidémiologiques, sans, pour autant, exclure l’influence des traitements antiparkinsoniens et les biais de constatation [1]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette association [1, 2].
La plus admise est celle mettant en avant le rôle de l’alpha-synucléine via son effet stimulant tumoral potentiel [1, 2]. Cette protéine impliquée dans la pathogenèse de la maladie de Parkinson a été retrouvée largement exprimée dans diverses tumeurs cérébrales, notamment celles à différenciation neuronale [7]. En fait, la maladie de Parkinson et la tumorigenèse cérébrale peuvent partager de nombreux processus physiopathologiques, y compris le vieillissement, la dysfonction mitochondriale, le stress oxydatif, les dommages à l'ADN, la signalisation anormale mitotique, la neuroinflammation et l'activation aberrante du cycle cellulaire [1]. Par ailleurs, certains traitements antiparkinsoniens sont soupçonnés jouer un rôle crucial dans l’augmentation de l’incidence des tumeurs cérébrales chez ces patients. Le traitement par levo-dopa, substrat de synthèse de la mélanine, est rapporté comme associé à une augmentation de l'incidence du mélanome chez les populations caucasiennes [8, 9].
En outre, la rasagiline, puissant inhibiteur sélectif de la monoamine oxydase de type B administré chez notre patient, est mentionnée dans les documents de la Food an Drug Administration (FDA) des Etats Unis comme susceptible d’induire des tumeurs bénignes, malignes et non précisées. La consultation du site médical ‘’eHealthMe.com’’, spécialisé dans le recueil et l’analyse des données sur les médicaments collectées auprès de la FDA et du consommateur en général, trouve un seul cas rapporté de méningiome survenu chez une femme de la cinquantaine parmi 2959 personnes (0,03 %) ayant signalé avoir eu des effets secondaires suite à la prise de rasagiline.
Dans notre cas, la postériorité de l’apparition du MGNO par rapport au diagnostic et au traitement de la maladie de Parkinson, de même que la stabilisation de la masse tumorale et de la fonction visuelle après suppression du traitement antiparkinsonien laissent supposer, à la lumière des données de la littérature, l’existence d’un lien de causalité entre le MGNO d’une part et la maladie de Parkinson et/ou le traitement antiparkinsonien d’autre part. A l’heure actuelle, l’imputabilité de la tumeur à l’une ou à l’autre est impossible à démontrer. D’autres études épidémiologiques et d’investigations biologiques devraient être entreprises afin de clarifier d’avantage cette association existante entre la maladie de Parkinson et le risque élevé de survenue de méningiomes et d’autres tumeurs du cerveau.
Les méningiomes sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes chez l’adulte. Certains facteurs prédisposants sont bien identifiés. La maladie de Parkinson est soupçonnée d’avoir un lien avec ces tumeurs. Des études plus approfondies sont nécessaires pour préciser ces liens potentiels dans le but de développer de nouvelles approches de prévention et de traitement des deux maladies.
Tous les auteurs ont contribué à la réalisation de l'étude. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.
- Barnholtz-Sloan J, Kruchko C. Meningiomas: causes and risk factors. Neurosurg Focus. 2007;23:E2 pubmed
- Berete R, Vignal-Clermont C, Boissonnet H, Heran F, Morax S. [Optic nerve sheath meningioma: diagnosis and new treatment options, a case study of monocular blindness during pregnancy]. J Fr Ophtalmol. 2006;29:426-31 pubmed
- Wahab M, Al-Azzawi F. Meningioma and hormonal influences. Climacteric. 2003;6:285-92 pubmed
- Barbosa E, Teixeira M, Chaves C, Scaff M. [Parkinson disease associated to a brain tumor: a case report]. Arq Neuropsiquiatr. 1991;49:338-41 pubmed
- Kawashima M, Suzuki S, Doh-ura K, Iwaki T. alpha-Synuclein is expressed in a variety of brain tumors showing neuronal differentiation. Acta Neuropathol. 2000;99:154-60 pubmed