L’association syndrome de Heerfordt et syndrome de Gougerot-sjögren est exceptionnelle, quelques cas ont été rapportés dans la littérature. Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 33 ans, hospitalisée pour une fièvre avec tuméfaction parotidienne et paralysie faciale droite associées à un érythème noueux des membres inférieurs. La radiographie thoracique objectivait des adénopathies hilaires bilatérales. L’examen ophtalmologique mettait en évidence une uvéite antérieure en poussée avec un test de Schirmer positif au niveau des deux yeux. L’étude anatomo-pathologique des biopsies bronchiques étagées confirmait le diagnostic de sarcoïdose. A la lumière de cette observation, les auteurs se proposent de faire le point sur cette association pathologique rare.
The association between Heerfordt syndrome and Gougerot-Sjögren syndrome is exceptionally rare. Only one case has been described in the literature. We report the case of a 33-year–old female patient, admitted for fever, swelling of the right parotid gland, right facial nerve paralysis and knotty erythema of the lower limbs. A chest X-ray film revealed bilateral hilar lymphadenopathies. Ophthalmologic examination showed anterior uveitis with a positive Schirme’s test in both eyes. The bronchial biopsies confirmed the diagnosis of sarcoidosis. The authors propose to analyze features of this rare pathological association.
Il est actuellement établi que toutes les connectivites et toutes les maladies auto-immunes peuvent s’accompagner d’un syndrome de Gougerot Sjogren, la plus fréquente est la polyarthrite rhumatoïde [1]. L’association à la sarcoïdose est actuellement connue, cependant, l’association au syndrome de Heerfordt est exeptionnelle, de rares cas ont été rapportés dans la littérature [2]. Nous rapportons un cas rare d’une association syndrome de Heerfordt et syndrome de Gougerot-Sjogren tout en faisant le point sur les difficultés diagnostiques et thérapeutiques de cette association.
Madame RM, âgée de 33 ans, sans antécédent pathologique particulier, notamment pneumophtisiologiques, admise au service de pneumologie pour bilan d’altération de l’état général évoluant depuis 3 mois. L’interrogatoire révélait une asthénie, une anorexie, une sécheresse buccale et oculaire non invalidante. L’examen physique objectivait un amaigrissement de 7 kg en 3 mois, une fièvre à 38°C, une tuméfaction parotidienne avec paralysie faciale droites, associé à un érythème noueux des membres inférieurs (figures 1).
L’examen pleuro-pulmonaire était, par ailleurs, normal. La radiographie thoracique mettait en évidence des adénopathies hilaires bilatérales (figure 2). Le bilan biologique montrait une vitesse de sédimentation à 15 mm à la première heure, la numération formule sanguine était normale. Le bilan hépatique et l’ionogramme ne montraient pas d’anomalie, le bilan phosphocalcique sanguin et urinaire était normal. Les recherches de BK à l’examen direct étaient négatives, l’intradermo-réaction à la tuberculine était négative, la sérologie HIV était négative. Les anticorps antinucléaires étaient positifs au 1/80 et d’aspect moucheté, les anticorps anti DNA natifs étaient négatifs. La spirometrie et la gazométrie ne montraient pas d’anomalie, l’endoscopie bronchique a montré un aspect inflammatoire diffus de tout l’arbre trachéobronchique, le lavage broncho alvéolaire objectivait une lymphocytose à 95%. L’étude anatomopathologique des biopsies bronchiques montrait la présence d’un granulome épithéliogigantocellulaire sans nécrose caséeuse évoquant une sarcoïdose. L’histologie des glandes salivaires accessoires correspondait au stade III de CHISHOLM.
L’examen ophtalmologique montrait une uvéite antérieure bilatérale en poussé avec sécheresse oculaire bilatérale au test de schirmer. L’angiographie à la fluorescéine révélait des lésions de pars planite avec vascularite et séquelle d’œdème maculaires, rétention de la fluoroseine avec temp tardif. L’échographie montrait que la parotide droite est le siège d’une formation ovalaire mal limitée d’échostructure mixte avec une composante tissulaire, liquidienne et calcique. Le diagnostic de syndrome de Heerfordt et syndrome de Gougerot-sjögren a été retenu, la patiente avait reçu un bolus de solumédrol 500mg/j x 3j puis relais par la corticothérapie par voie orale 40mg/j. En plus d’un traitement oculaire local (atropine, chibrocadron). L’évolution après 3mois était favorable aussi bien sur le plan général qu’oculaire avec régression de la paralysie faciale droite.
En 1869 : HUTCHINSON est le premier à mentionner une lésion cutanée répondant à la sarcoïdose. En 1909 HEERFORDT individualise l’uvéo parotidite subfébrile avec paralysie faciale mais ce n’est que prés de 30 ans plus tard que PAUTRIER fait le lien entre les 2 affections. En fait, il n’y a que 2% des sarcoïdoses qui se manifestent par un syndrome de HEERFORDT, il est caractérisé par une parotidite bilatérale, une uvéite, une paralysie faciale survenant dans un contexte fébrile [1]. La parotidite est généralement bilatérale et symétrique d’emblée elle est facilement différentiable de la parotidite infectieuse par son caractère très peu douloureux et l’absence de suppuration. Son évolution est favorable en quelques semaines plus rarement, la parotidite est à début unilatérale prêtant confusion avec une maladie du système salivaire, et c’est la biopsie parotidienne qui redresse le diagnostic [2].
Elle peut s’accompagner d’une hyposialie avec sécheresse buccale chez notre patiente, la parotidite droite était confirmée par l’échographie et associée à une hyposialie. Les manifestations oculaires sont dominées par l’atteinte du tractus uveal, l’uvéite antérieure est la localisation la plus fréquente au cours de la sarcoïdose; Il peut s’agir d’une iridocyclite aigue témoin d’une poussée générale ou d’une iridocyclite chronique avec une sensibilité aux corticoïdes beaucoup plus faible que la forme aigue. L’uveite postérieure est rare a cours du syndrome de heerfordt souvent concomittente à une atteinte du système nerveux central et fréquemment associée à une uvéite antérieure [1] [2] [3].
En dehors de l’atteinte uveale d’autres structures de l’œil peuvent être touchées notamment la cornée, le trabéculum et le cristallin, où la cataracte ferait suite à l’uvéite ou à la corticothérapie. Les atteintes vitrées de la rétine, de la sclère se rencontrent à une fréquence moindre, au même titre que les paralysies oculomotrices [3]. Les manifestations neurologiques de la sarcoïdose revêtent un grand polymorphisme au cours du syndrome de HEERFORDT. L’atteinte nerveuse retrouvée chez un patient sur deux est dominée par la paralysie faciale périphérique, sur le plan physiopathologique, cette atteinte nerveuse était mise sur le compte de l’hypertrophie de la glande parotide. En effet, elle parait liée à un envahissement du nerf par des granulomes sarcoïdiens, ainsi de la même manière tous les nerfs crâniens peuvent être touchés. Les atteintes neurologiques centrales (encéphaliques ou médullaires) existent chez près de 5% de patients atteints de sarcoïdose leur pronostic est grave [4] [5].
La fièvre, signe capital pour HEERFORDT, est longuement discutée par d’autres auteurs qui ne lui accordent qu’un faible intérêt vu son inconstance et l’absence de toute signification pronostique. En plus de ces atteintes caractéristiques du syndrome de HEERFORDT, toutes les autres localisations viscérales de la sarcoïdose peuvent s’associer chez le même patient. Les éléments en faveur du diagnostic de Gougerot Sjôgren sont la xérostomie, la xérophtalmie le test de schirmer, l’histologie des glandes salivaires accessoires qui répondent aux critères diagnostiques des syndromes de Gougerot Sjôgren primitif, proposés par le groupe d’étude de la communauté européenne [3].
La signification nosologique de cette association mérite d’être prise en considération. Le syndrome de Gougerot Sjogren est une maladie systémique polyviscérale inflammatoire et dysimmunitaire caractérisée par un syndrome lympho exocrinien, et pouvant relever d’étiologies diverses. Dans la moitié des cas environ, cette étiologie est inconnue : Le syndrome de Gougérot sjogren et primitif ou isolé. Dans l’autre moitié des cas l’étiologie est connue : c’est une connectivite. Le syndrome de Gougérot Sjogren est alors secondaire : les lymphocytes stimulés au cours de la connectivite provoquent le syndrome lymphoexocrinien qui est alors une manifestation de la maladie sous jacente [1].
Le syndrome de HEERFORDT qui réalise une entité nosologique propre dans le cadre de la sarcoïdose, est d’observation rare, il regroupe une parotidite, une uvéite le plus souvent antérieure et une paralysie faciale. L’association en outre au syndrome de Gougerot sjogren est exceptionnelle. L’évolution est lente et capricieuse. Le pronostic global outre les localisations uvéonévraxique se confond avec celui de la sarcoïdose.
- Kaplan G. - Syndrome de Gougerot-Sjögren, In : Maladies dites systémique, Kahn MF. FLAMMARION ED., 1982, pp 359-399.
- Newman L, Rose C, Maier L. Sarcoidosis. N Engl J Med. 1997;336:1224-34 pubmed
- Yamaguchi M, Kitamura T, Kaneko T. [Case of heerfordt type sarcoidosis combined with Sjögren's syndrome]. Nihon Jibiinkoka Gakkai Kaiho. 1971;74:1477-81 pubmed
- Hybels R, Rice D. Neuro-otologic manifestations of sarcoidosis. Laryngoscope. 1976;86:1873-8 pubmed
- Vitali C, Bombardieri S. The diagnosis of Sjögren's syndrome: definition and validation of classification criteria for this disorder. Ann Med Interne (Paris). 1998;149:12-6 pubmed