L'imagerie préopératoire dans l'otite chronique moyenne cholesteatomateuse : une étude prospective descriptive de 90 cas
L Taali (aali51 at menara dot ma), M Abou-elfadl, S Rouadi, R Abada, M Roubal, M Mahtar
Service d’ORL hôpital 20 août. 6, rue Lahssen ELAARJOUN quartier des hôpitaux, Casablanca, Maroc
DOI
http://dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1412
Date
2015-05-28
Citer comme
Research fr 2015;2:1412
Licence
Résumé

Introduction : L’otite moyenne chronique cholestéatomateuse (OMCC) est souvent quantifiée comme dangereuse. Le scanner est la meilleure méthode d’imagerie pour étudier la pathologie de l’oreille moyenne. Les discordances radio-chirurgicales sont de plus en plus observées en en chirurgie du choléstéatome, d’où l’intérêt de notre travail. Matériel et méthodes : C’est une étude prospective descriptive, sur 90 cas ; avec réalisation de corrélation entre les données du scanner préopératoire, et les résultats per-opératoires dans la chirurgie des OMCC concernant l’atteinte de la chaine ossiculaire. Résultats : L’âge moyen de nos malades au moment de la chirurgie a été de 27 ans. Une prédominance féminine a été notée. Le motif de consultation majeur a été l’otorrhée purulente, et l’hypoacousie. Tous les patients ont bénéficié d’un examen otologique sous microscope. On a constaté la prédominance de la rétraction atticale. Tous les patients ont bénéficié d’un audiogramme et d’un scanner des rochers ; la TDM a posé correctement le diagnostic de cholestéatome dans 65 cas, avec une efficacité diagnostique à 85,5%. Le taux de discordance radio-chirurgicale était de 14,4%. La TDM a présenté une bonne sensibilité dans l’identification des lyses de la chaîne ossiculaire. L’altération la plus fréquemment retrouvée est la lyse de l’enclume (81,5% des cas). La TDM a raté le diagnostic dans 16,9% des cas. la TDM a été plus sensible pour prédire la lyse du marteau (88,5%), mais elle a été moins spécifique (67,5%). La sensibilité du scanner dans l’exploration de l’étrier a atteint 89%. Conclusion : En préopératoire, la réalisation d’un bilan d’imagerie est recommandée de façon systématique, pour préciser les extensions du cholestéatome, dépister d’éventuelles complications, notamment la lyse de la chaine ossiculaire.

English Abstract

Introduction:
Chronic otitis media cholesteatoma (OMCC) is a dangerous disease. The CT is the best imaging method for studying the pathology of the middle ear. The radio-surgical discrepancies are increasingly observed in cholesteatoma surgery, hence the importance of our work. Materials and methods: This was a prospective descriptive study of 90 cases with analysis of correlation between the data of preoperative CT and intraoperative findings in OMCC surgery regarding the achievement of the ossicular chain. Results: The average age of our patients at the time of surgery was 27 years. A female predominance was observed. The main reason for consultation was purulent otorrhea and hearing loss. All patients received an otologic examination under microscope. Attical retraction was predominant. All patients had an audiogram and CT of the ear. CT lead correctly to the diagnosis of cholesteatoma in 65 cases, with diagnostic efficiency about 85.5%. The rate of radio-surgical discordance was 14.4%. CT had good sensitivity in identifying lysis of the ossicular chain. The most common abnormality was the lysis of the incus (81.5% of cases). CT missed diagnosis in 16.9% of cases. CT was more sensitive in predicting the lysis of the malleus (88.5%) but was less specific (67.5%). The sensitivity of CT in stapes exploration has reached 89%. Conclusion:
Preoperative imaging test is recommended systematically to assess the extension of cholesteatoma and detect possible complications including lysis of the ossicular chain.

Introduction

L’otite moyenne chronique cholestéatomateuse(OMCC) est souvent quantifiée comme dangereuse. Le scanner est la meilleure méthode d’imagerie pour étudier la pathologie de l’oreille moyenne [1]. Les discordances radio-chirurgicales sont de plus en plus observées en en chirurgie du choléstéatome, d’où l’intérêt de notre travail.

Matériel et méthodes

Nous rapportons une étude prospective descriptive, à propos de 90 cas d’otites moyennes chroniques, colligés au service d’ORL de Casablanca, entre juin 2011 et Mars 2012.

Symptômes cliniques OMC choléstéatomateuse
N= 75
OMC non choléstéatomateuse
N= 15
otorrhée purulente485
O. fétide207
otalgie141
hypoacousie285
vertige202
acouphènes122
Paralysie faciale20
otomastoidite40
Cp intracrâniennes10
otorragie30
Tableau 1. Les signes cliniques révélateurs d’otite moyenne chronique.

Le but de notre travail est d’analyser les atteintes ossiculaires au cours de l’OMCC et de réaliser une corrélation entre les données de la TDM préopératoire, et les résultats per-opératoires dans la chirurgie des OMCC .nous avons exclus de cette étude les patients ayant un scanner datant de plus de 6mois, les récidives de cholestéatome et les scanners de mauvaise qualité.

Pour chaque dossier, nous avons recueilli les données concernant l’âge, le sexe, les antécédents otologiques, les données de l’examen clinique, les résultats des bilans audiométriques et radiologiques, les constatations opératoires, ainsi que le traitement envisagé.

Résultats

L’âge moyen de nos malades au moment de la chirurgie a été de 27 ans. Une prédominance féminine est notée : 51,7% de malades ont été de sexe féminin. Le sex-ratio a été de 0,95. Le motif de consultation majeur a été l’otorrhée purulente, et l’hypoacousie (tableau 1).

OMC choléstéatomateuse
N= 75
OMC non choléstéatomateuses
N= 15
PDR atticale273
PDR pars flaccida:
  • Postérosupérieure
  • Postérieure
  • Inférieure
  • Antérieure
  • 23
  • 6
  • 2
  • 4
  • 2
  • 3
  • 0
  • 0
Rétraction Totale Pars flaccida63
Présence d’épiderme350
Polype204
Perforation tympanique marginale52
Perforation tympanique non marginale62
Aspect de fibro-adhésive71
Tableau 2. Les résultats de l’examen otologique sous microscope.

Tous les patients ont bénéficié d’un examen otologique sous microscope. On a constaté la prédominance de la rétraction atticale (tableau 2).

Le scanner a posé correctement le diagnostic de cholestéatome dans 65 cas (tableau 3), avec une efficacité diagnostique à 85,5%. Le taux de discordance radio-chirurgicale a été de 14,4%.

Le scanner a pu prédire correctement le diagnostic de cholestéatome dans 86,6 % des cas. Chez 80 % des patients le scanner a exclue correctement la présence de cholestéatome.

Dg de la TDM Dg chirurgical Cholestéatome (à la TDM) Pas de cholestéatome (à la TDM)
Présence de Cholé en per-opératoire (n=75)6510
Absence de cholé en per-opératoire N= 15312
Tableau 3. La corrélation radio-chirurgicale dans le diagnostic positif de cholestéatome.

La TDM a apporté des arguments en faveur du diagnostic de cholestéatome, quand celui-ci ne peut être formellement identifié à l’examen clinique. Le lissage des parois, la lyse du mur de la logette et du tegmen, la lyse totale de l’enclume ont été des indicateurs statistiquement significatifs pour prédire l’existence de choléstéatome (tableau 4).

Argument scannographique (variable) cholestéatome
N= 75
OMC non cholestéatomateuse
N=15
P (test du X2)
Opacité à bord convexe355p < 0.5
Lissage des parois546p < 0.05
Lyse mur logette443p < 0.02
Lyse tegmen tympani280p < 0.01
Lyse branche descendante enclume162p < 0.9
Lyse manche marteau164p < 0.9
Lyse étrier130p < 0.1
Lyse canal VII151p < 0.3
Lyse totale marteau251p < 0.1
Lyse totale enclume331p < 0.01
Tableau 4. Critères radiologiques prédictifs de l’existence d’un cholestéatome.

L’altération, la plus fréquente retrouvée, a été la lyse de l’enclume (tableau 5), elle est retrouvée dans 81,5% des cas. Le scanner a raté le diagnostic dans 16,9%. La TDM a été plus sensible pour prédire la lyse marteau (88,5%), mais elle a été moins spécifique (67,5%). On a obtenu une bonne sensibilité dans l’identification des lyses de l’étrier (89%). L’analyse du canal du facial a été correcte avec concordance à 94%. La sensibilité de la TDM est diminuée dans la détection des érosion du canal semi-circulaire latéral (50%). La TDM a été peu fiable pour l’analyse du mur de logette et du tegmen tympani avec un taux de discordance à 25 et 22% respectivement.

Résultats TDM Résultats per-opératoires Lyse pas de lyse Sensibilité% Spécificité%
Lyse pas de lyse
Lyse Enclume
  • oui
  • non
  • 49
  • 10
  • 3
  • 10
8376,9
Lyse Marteau
  • oui
  • non
  • 31
  • 4
  • 12
  • 25
88,567,5
Lyse Etrier
  • oui
  • non
  • 41
  • 5
  • 3
  • 23
8988,4
Lyse canal VII
  • oui
  • non
  • 12
  • 3
  • 1
  • 56
8098
Lyse CSL
  • oui
  • non
  • 3
  • 3
  • 2
  • 54
5096
Lyse mur de logette
  • oui
  • non
  • 32
  • 5
  • 13
  • 22
86,462,8
Lyse tegmen tympani
  • oui
  • non
  • 13
  • 2
  • 14
  • 43
86,675,4
Atteinte cochlée
  • oui
  • non
  • 1
  • 0
  • 0
  • 74
100100
Tableau 5. La corrélation radio- chirurgicale dans l’étude des structures nobles de l’oreille moyenne.

La chirurgie la plus pratiquée a été la technique fermée (49%), suivie de la technique ouverte avec réhabilitation (21,5%). L’ossiculoplastie est pratiquée dans 56,6% (tableau 6).

Technique chirurgicale OMC choléstéatomateuse N= 75 OMC non choléstéatomateuse N=15
Technique fermée379
Technique ouverte réhabilitée16-
Technique ouverte non réhabilitée61
Voie du conduit54
Voie combinée111
ossiculoplastie474
Tableau 6. Le traitement chirurgical des otites chroniques cholestéatomateuse.
Discussion

L’otite cholestéatomateuse est une otite chronique ostéolytique grave, elle se définit par la présence d’une matrice épidermique au sein de l’oreille moyenne [2]. Elle représente à peu près un tiers des otites chroniques suppurées. Dans la grande majorité des cas, le diagnostic repose sur l’examen clinique. Le rôle de la TDM se limite souvent au bilan pré-opératoire.

L'imagerie préopératoire dans l'otite chronique moyenne cholesteatomateuse : une étude prospective descriptive de 90 cas Figure 1
Figure 1. TDM du rocher en coupe coronale: érosion mur de la logette avec lyse ossiculaire de la longue apophyse de l’enclume.

La symptomatologie clinique du cholestéatome est variable : le plus souvent le patient présente une otorrhée volontiers chronique, purulente et fétide associée à une hypoacousie.

L’exploration radiologique pré-opératoire des cholestéatomes repose presque exclusivement sur la tomodensitométrie (TDM) [3]. Elle permet de préciser les extensions du cholestéatome, dépister d’éventuelles complications, apprécier l’anatomie des cavités tympano-mastoïdiennes (en particulier les variantes à risque chirurgical) et de conforter le diagnostic dans les rares cas où l’examen otoscopique n’a pas permis de trancher.

L'imagerie préopératoire dans l'otite chronique moyenne cholesteatomateuse : une étude prospective descriptive de 90 cas Figure 2
Figure 2. Reconstruction transversale double-oblique montrant une disparition totale des deux bras et du bouton de l'étrier (flèche), la platine étant conservée (tête de flèche).
Le diagnostic positif du choléstatome

Il repose dans la majorité des cas sur l’examen otoscopique et non sur le bilan d’imagerie. L’imagerie peut néanmoins conforter le diagnostic en cas de présentation atypique et représente un examen essentiel dans le diagnostic de cholestéatome à tympan fermé. La sensibilité de la TDM pour le diagnostic de cholésteatome varie selon les études entre 70 et 96.88%, avec une moyenne de 85% [4]. On est en accord avec les données de la littérature, en effet la TDM a pu poser correctement le diagnostic pour 86,8% des patients.

L’étude de la chaine ossiculaire
L’ostéolyse de la chaîne ossiculaire est fréquente mais non spécifique du cholestéatome [5].

En effet, du fait de sa fragilité, la longue apophyse (ou branche descendante) de l’enclume peut être lysée dans toutes les formes d’OMC. En revanche, une destruction du corps de l’enclume, de la tête du marteau ou de la superstructure de l’étrier sont moins souvent observées, mais beaucoup plus suspectes, surtout si cette destruction s’associe à d’autres signes évocateurs de cholestéatome. On observe fréquemment une déminéralisation de la partie supérieure du marteau et de l’enclume ; cet aspect a la même valeur sémiologique de suspicion que l’ostéolyse franche d’un osselet.

L'imagerie préopératoire dans l'otite chronique moyenne cholesteatomateuse : une étude prospective descriptive de 90 cas Figure 3
Figure 3. Reconstruction sagittale double-oblique montrant une ostéolyse partielle du bloc incudo-malléaire.
L’ostéolyse est parfois associée à un blocage ossiculaire
Cette lyse est responsable d’une surdité de transmission
La lyse totale de l’enclume est retrouvée dans 81,5% des cas. Dans la littérature, c’est la lyse de la longue apophyse de l’enclume (LAE) qui est fréquente (figure 1).
La sensibilité et la spécificité du scanner dans l étude de la lyse de l’enclume est supérieure à 90 % [6].

Les faux négatifs existent cependant et peuvent être secondaires à une insuffisance technique ou à un processus de fibrose ou d'hyperplasie muqueuse, moulant la forme de la longue apophyse et la faisant considérer à tort comme normale. --L'étrier est le deuxième osselet atteint en fréquence (figure 2).

Le marteau est rarement touché (26 % selon Veillon).

La TDM présente une sensibilité et une spécificité excellentes pour l'étude de cet osselet (figure 3).

Conclusion

La chaine des osselets est fréquemment atteinte dans les pathologies inflammatoires de l’oreille et encore plus dans les OMCC ; l’enclume est le plus fréquemment lyse surtout au niveau de sa longue apophyse, suivi de l’étrier puis le marteau.

Le scanner reste l’examen de routine pour l’étude et l’évaluation préopératoire des otites moyennes chroniques. On a conclut que la lyse totale de l’enclume est un indicateur statistiquement significatif pour prédire l’existence du cholestéatome

Références
  1. - D. Ayache, V. Darrouzet, F. Dubrulle, C. Vincent, S. Bobin, M. Williams, C. Martin聽:Imagerie du cholest茅atome non op茅r茅. Recommandation pour la pratique clinique聽;Annales fran莽aises d'Oto-rhino-laryngologie et de Pathologie Cervico-faciale,聽Volume 129, Issue 3,聽June 2012,聽Pages 177-181.
  2. - P.聽Bordure, S.聽Bailleul, O.聽Malard, R.聽Wagner: otites chronique cholest茅atomateuse. Aspects cliniques et th茅rapeutiques ;EMC 20-095-A-20.
  3. Williams M, Ayache D. [Imaging in adult chronic otitis]. J Radiol. 2006;87:1743-55 pubmed
  4. - Prata AAS, Antunes ML, Abreu CEC, Frazatto R, Lima BT. Comparative Study Between Radiological and Surgical Findings of Chronic Otitis Media. Arq. Int. Otorrinolaringol. 2011;15(1):72-78.
  5. Jeng F, Tsai M, Brown C. Relationship of preoperative findings and ossicular discontinuity in chronic otitis media. Otol Neurotol. 2003;24:29-32 pubmed
  6. Martin N, Sterkers O, Nahum H. Chronic inflammatory disease of the middle ear cavities: Gd-DTPA-enhanced MR imaging. Radiology. 1990;176:399-405 pubmed
ISSN : 2334-1009